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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

et délivré des soldats, qui expiaient en prison des fautes commises contre la discipline militaire. Ils avaient commis ces fautes après avoir été enivrés par ceux qui cherchent à les débaucher. Cette nouvelle produit naturellement une fâcheuse impression. Demain nous amènera probablement des excès pareils ou même pires. M. Jefferson me dit que la formation d’un grand camp sous les ordres du maréchal de Broglie, l’air que prennent de nombreux adversaires du tiers état et l’influence du comte d’Artois sur le Conseil du roi font redouter des événements sérieux ; peut-être même poussera-t-on le roi à ressaisir son autorité. Tout ceci est très bien, mais avec les idées actuelles, je doute fort qu’il puisse compter sur l’obéissance de ses soldats ; sans cette obéissance, ses menaces deviendront aussi méprisables que celles de l’Église, car, dans les deux cas, c’est le bras séculier qui seul rend l’anathème terrible.


3 juillet. — De Canteleu est tout à la politique. Il me dit que souvent les aristocrates me citent comme appartenant à leur parti. Ceci m’amène à expliquer mes opinions, et il paraît enchanté de voir que nous avons les mêmes. Le meilleur moyen de conciliation est l’abolition des parlements, abolition que je crois nécessaire à l’établissement de la liberté, de la justice et de l’ordre.


4 juillet. — M. Jefferson donne un dîner en l’honneur de notre fête nationale ; il s’y trouve beaucoup d’Américains, et aussi Mme et M. de La Fayette. Je lui parle politique après le dîner, et je lui conseille, si cela est possible, de conserver une certaine autorité constitutionnelle à la noblesse, car c’est le seul moyen d’assurer la liberté du peuple. Le courant contre la noblesse est si violent que je redoute sa ruine. Il en résulterait, je le crains, les conséquences les plus désastreuses, bien que l’on n’y fasse pas grande attention en ce moment.