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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/77

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

bon plaisir ; il blâme la seconde demande. L’Assemblée adopte en conséquence quelques résolutions hardies, dont le but semble être de vouer le ministère actuel à l’exécration publique, et de déclarer les conseillers de Sa Majesté coupables de haute trahison. La Cour et le parti populaire sont donc en lutte ouverte. Je crois qu’avant dix jours un événement décisif aura eu lieu : ou bien la retraite du roi sera immédiate et ne ruinera que ses conseillers, ou bien elle sera tardive, et sa propre ruine découlera de celle de ses ministres. On fait venir de la cavalerie au Palais-Royal. Nous voudrions savoir à quel corps elle appartient, mais c’est impossible. L’un des orateurs nous dit toutefois que l’on a reçu une députation des deux régiments casernés à Saint-Denis, offrant de se joindre au Tiers, si l’on veut venir les recevoir. Mes compagnons leur conseillent chaudement d’y aller, mais il faut remettre cette manœuvre au moins au lendemain. Je crois que les meneurs ont tort de ne pas fomenter immédiatement un sérieux conflit entre les troupes nationales et étrangères. Je pense que le résultat serait décisif.


14 juillet. — Ma voiture est arrêtée deux fois pour voir s’il s’y trouve des armes. Pendant que je suis chez {{|M. Le Couteulx}}, quelqu’un vient annoncer que la Bastille est prise, que le gouverneur est décapité, que le prévôt des marchands est pris et tué et également décapité. Les têtes sont portées en triomphe à travers la ville. La prise de la citadelle est une des choses les plus extraordinaires que je connaisse. Elle a coûté aux assaillants 60 hommes, dit-on. L’Hôtel royal des Invalides a été envahi ce matin, et l’on a emporté les canons, les armes blanches, etc. De cette façon, les citoyens sont bien armés ; il y a du moins de quoi équiper environ trente mille hommes, et c’est là une armée suffisante. Il paraît que la nouvelle reçue hier soir relativement à l’arrêté de l’Assemblée nationale n’est pas