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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

leur bonne conduite, auront mérité d’être au-dessus d’un simple soldat, sans avoir les qualités nécessaires pour devenir sergent. En ce moment, on ne sait que faire de ce corps.


20 juillet. — Je me rends ce matin à l’Hôtel de Ville. J’ai bien du mal à trouver le marquis de La Fayette, épuisé par ses mille soucis. Je lui dis que je vais envoyer ses lettres en Amérique, et que je désire un laissez-passer pour visiter la Bastille. Nous convenons de dîner chez lui, à la condition d’apporter mon vin. Je rentre chez moi, j’écris et à quatre heures me rends à l’hôtel de La Fayette. J’y rencontre le duc et la duchesse de La Rochefoucauld, M. …, etc., venus pour dîner. La Fayette me donne mon laissez-passer pour la Bastille. Je lui soumets mon plan concernant la garde française et il l’approuve. Je lui conseille de faire préparer un plan complet pour la milice et de le soumettre au comité. Je lui demande s’il connaît les mesures à prendre pour amener le roi à lui conférer le gouvernement de l’Île-de-France. Il me dit qu’il préférerait celui de Paris simplement ; qu’il a exercé le maximum de pouvoir qu’il eût jamais pu désirer, et qu’il en est fatigué ; qu’il a été chef absolu de cent mille hommes ; qu’il a promené à sa guise son souverain dans les rues, prescrit le degré d’applaudissement qu’il devait recevoir, et qu’il aurait pu le faire prisonnier, s’il l’avait jugé à propos. Cela lui fait désirer revenir au plus tôt à la vie privée. En se servant de cette dernière expression, il se trompe lui-même, ou désire me tromper ; peut-être l’un et l’autre. Mais de fait il est devenu amoureux de la liberté par ambition. Il y a deux sortes d’ambitions : l’une née de l’orgueil, l’autre de la vanité ; la sienne, c’est plutôt cette dernière.


21 juillet. — À une heure et demie, je vais chercher Mme de Flahaut, qui m’a exprimé le désir de m’accompa-