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Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/92

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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

tandis qu’il exprime ses lamentations, le postillon se tourne vers moi : « C’est un beau privilège que les Français se sont acquis, monsieur. — Oui, monsieur, mais il paraît que ce privilège ne vaudra pas autant l’année prochaine. »


13 septembre. — Mardi, vers sept heures, j’arrive à l’hôtel de Richelieu, à Paris. Je m’habille et vais au club. J’apprends que l’Assemblée nationale a accepté une seule chambre délibérative, et le veto suspensif du roi. C’est un pas de fait sur la grand’route de l’anarchie et du despotisme d’une faction dans une assemblée populaire, la pire de toutes les tyrannies. Je me mets à discuter un peu à ce sujet, et je reste pour le souper à l’issue duquel nous goûtons du vin de Hongrie présenté par un colonel polonais, dont le nom se termine en « whisky ». C’est une boisson délicieuse. De façon ou d’autre on en vide sept bouteilles ; l’on en commande deux autres, mais je me lève en déclarant que je ne veux plus boire, et l’on s’arrête. Le duc d’Orléans était entré pendant ce temps et diverses circonstances me disent que je puis être présenté à Son Altesse Royale, si cela me plaît.


16 septembre. — J’ai écrit aujourd’hui jusqu’à midi, puis je suis allé chez M. Jefferson. Il m’invite à dîner demain en compagnie du marquis de La Fayette et du duc de La Rochefoucauld. Je pars à Versailles et vais chez Mme de Tott. Elle est à sa toilette, mais visible. Je parle des affaires du pays, sur lesquelles je trouve les opinions bien variables. Je retourne dîner chez M. de Montmorin. Madame est très affligée de l’état des affaires. Mme de Ségur arrive avec ses frères. Elle a une grande crainte que le roi ne veuille fuir. Je lui dis que cette fuite semble irréalisable. Elle croit que cela mettra le feu à Paris. Il est impossible d’en prévoir les conséquences. La présence ou