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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

pour activer les décisions des États généraux. C’est là une situation étrange, pour laquelle ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Je lui demande si ses troupes lui obéiront. Il répond qu’elles ne veulent pas monter la garde quand il pleut, mais il croit qu’elles le suivront volontiers au feu. J’incline à penser qu’il n’aura pas l’occasion d’en faire l’expérience. Je lui fais part de mon désir de l’entretenir des subsistances[1]. Il me dit qu’il faut aller dîner chez lui ; mais si je suis bien informé, cela est inutile, parce qu’il y a généralement foule et qu’il n’est que quelques minutes chez lui. Après dîner, je vais au club. Les opinions changent très vite, et en très peu de temps ; si l’Assemblée nationale continue à suivre la route où elle s’est engagée, je crois que la majorité de la nation lui sera contraire. Il est vrai que ses partisans sont zélés, et s’il n’y a pas de guerre civile, ce sera grâce à une circonstance que je ne puis prévoir. Il n’y a qu’un seul indice pacifique, c’est que, vu la faiblesse de caractère du roi, personne ne peut se fier à lui ni s’exposer au danger pour défendre son autorité. S’il s’échappe de Versailles et qu’il tombe dans des mains différentes de celles qui l’entourent, il y aura forcément lutte. Une circonstance sans importance montrera jusqu’à quel point les gouvernants actuels ont les qualités requises pour conduire les affaires du royaume. La Fayette est plein d’inquiétude au sujet de la disette, et en fait le thème de la conversation et de la discussion. Le duc de La Rochefoucauld nous parle alors de quelqu’un qui a écrit un livre excellent sur le commerce des grains.


18 septembre. — Ce soir, au club où je soupe, on nous lit la lettre du roi à l’Assemblée au sujet des résolutions de la noblesse dans la fameuse nuit de 4 août. Elle est très

  1. Morris chercha longtemps à obtenir du gouvernement français l’adjudication de la farine à fournir pour l’armée.