Page:Journal des économistes, 1842, T1.djvu/4

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mune, et, pouvant se comprendre, ils n’étaient pas eloignés de s’unir. Aussi, quand une question de cet ordre se présentait devant les Chambres, on n’y voyait pas, comme aujourd’hui, les opinions s’émietter a l’infini et s’en aller a l’aventure. Il n’y avait que deux partis alors : celui des principes, et celui des routines. Les principes pouvaient être vaincus, mais ils succombaient avec gloire ; ils ne se laissaient pas entamer. Deux mobiles féconds dominaient les défenseurs de la science : la foi et la discipline. On avait une croyance et l’on combattait pour elle ; on avait des chefs et l’on reconnaissait leur autorité.

Cette situation n’existe plus. L’économie politique a fait partie du triomphe de juillet, et, comme tous les vainqueurs de cette date, elle s’est vue, après l’événement, en proie à la confusion. On lui demandait plus qu’elle n’avait promis, plus qu’elle ne pouvait faire. Les vanités de secte, les prétentions individuelles, lui livraient des assauts continuels ; on l’outrageait, en se partageant ses dépouilles. La révolte une fois introduite dans la science, il y a eu autant de systèmes que de têtes : tout le monde voulait fonder une école ; on comptait vingt généraux pour un soldat. Le désordre ne s’est pas arrêté aux idées, il a gagné jusqu’à la langue, et nous avons assisté à une invasion de jargons de plus en plus détestables. Ce qui dominait dans cette rébellion, c’était, d’une part, le dédain profond du passé, de l’antre, une confiance imperturbable dans l’efficacité de quelques vues nouvelles. L’^économie politique a eu son romantisme comme les lettres : le bruit, les injures ne lui ont pas manqué ; elle a vu ses maitres trainés aux gémonies, et l’on a pu croire un instant qu’elle aboutirait a un cours de poésie et d’imagination. Ce vertige a fait des victimes : a peine restait-il dans l’Institut et dans la presse un petit nombre d’hommes dont les convictions ne fussent pas ébranlées. C’était comme un ouragan ; les plus sages ont baissé la tête pour le laisser passer.

N’exagérons rien : cette levée de boucliers n’a pas produit un mal direct, mais elle a trouble le bien que l’on pouvait faire. La jeunesse seule en a été sérieusement atteinte ; les esprits réfléchis, les hommes d’étude et d’expérience, n’ont vu dans tout cela qu’un spectacle plein de curiosité. Seulement il en est résulté comme un affaissement dans la croyance économique ; le doute a envahi les opinions sans profit pour per-