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Page:Journal des économistes, 1842, T1.djvu/6

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Angleterre, et que Say a rendue populaire parmi nous. On a profité de ses divisions pour l’entamer, on ne l’a niée que parce qu’elle ne s’affirmait pas suffisamment. Elle est pourtant le seul point de départ des penseurs raisonnables, qui ne veulent se jeter ni dans les préjugés anciens, ni dans les fantaisies modernes : c’est à elle qu’il faut se rallier si l’on ne veut pas que la ligue des intérêts fasse avorter éternellement le succès des moindres réformes. Qu’on y songe, il n’y a de profit pour personne à persister dans un système de négation générale en vue d’affirmations conjecturales et chimériques ; il y aurait au contraire une utilité réelle dans l’accord des bons esprits en vue d’améliorations partielles et immédiates, qui ne s’ajournent que faute de concert.

Ce recueil, dans la sphère de son influence, appelle ce résultat et aspire à cette fusion. Bien des problèmes ont été posés, débattus depuis dix ans avec une entière indépendance ; des efforts isolés ont été faits dans maintes directions. Le lieu semble donc favorable pour réunir les opinions éparses et leur donner un centre commun. La science économique ne manque pas d’interprètes éminents, qui relèvent de la tradition sans abdiquer leur initiative : mais, hors des cours publics et des séances de l’Institut, leur voix ne se fait pas assez souvent entendre. C’est à eux qu’est réservé l’honneur et le devoir de rendre à l’économie politique sa force d’ensemble, son autorité, son unité. Les éléments de cette recomposition existent. Fatigué de systèmes téméraires, le public ne demande qu’à se reposer sur des idées qui ne causent pas de vertiges à sa raison, d’inquiétude à ses intérêts. Les amis de la science se grouperont autour des maîtres et les seconderont dans leur œuvre. Les Chambres elles-mêmes s’inspireront de cette tribune désintéressée, heureuses d’y trouver un point d’appui contre les luttes des localités et les rivalités d’industrie.

L’heure est donc propice, la circonstance opportune.

Pour replacer l’économie politique dans ses véritables conditions de succès, il faut d’abord repousser les présents funestes que des amis trop ambitieux ont voulu lui faire. L’économie politique n’est pas la science universelle : c’est une science circonscrite et spéciale, marchant sur son terrain, agissant dans ses limites. Elle est appelée à jouer, dans la vie des peuples, un rôle essentiel, mais elle n’aspire pas à décider seule de leurs destinées ; elle a ses problèmes particuliers, mais elle ne se flatte pas