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Page:Journal des économistes, 1849, T24.djvu/187

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des chapitres consacrés à Ricardo par Rossi dans son Cours d’économie politique. Fonteyraud est le seul critique qui ait fait comprendre Ricardo, en combattant ses théories ; Rossi en les adoptant. Les deux commentateurs, en se complétant l’un par l’autre, ont éclairé d’une vive lumière les travaux du grand économiste algébriste anglais, restés jusqu’ici presque inintelligibles, selon l’opinion de Sismondi lui-même, au plus grand nombre de ses adeptes, excepté en matière de finances.

Ce beau travail de Fonteyraud, ses notes si claires et si justes, et sa parfaite connaissance des sources, lui avaient valu la chaire d’économie politique à l’École spéciale du commerce. Ce fut pour l’auteur de ces lignes une grande et cordiale satisfaction de voir son ami occuper avec tant de succès, comme professeur, la chaire devant laquelle il avait siégé si honorablement comme élève. Sa netteté, sa logique, son érudition, l’animation pittoresque de son langage lui avaient concilié au plus haut degré l’attention et le respect de ses auditeurs. Fonteyraud serait devenu un des plus éloquents propagateurs de la science, et le gouvernement lui destinait une des chaires officielles qu’il se propose de créer, lorsque la mort a ravi en peu de jours cet infortuné jeune homme à son père et à ses amis. Il a vu venir sa fin avec sérénité, sans illusion et sans faiblesse. Une heure avant de mourir, il envoyait chercher son ancien maître, et seul à ce moment suprême, entre son père et lui, il leur adressait à tous deux de touchantes paroles.

Son unique regret était de perdre l’espoir de contribuer aux progrès d’une science qu’il avait appris à aimer, en l’étudiant sérieusement. Il y voyait le salut des classes laborieuses, la base la plus solide de l’ordre et de la paix, et la fin des malentendus qui divisent si cruellement les hommes aujourd’hui, Il ne comprenait pas qu’on soutînt des théories, l’écume à la bouche, et il déplorait également les fureurs des prohibitionnistes et celles des socialistes, ces deux fléaux de notre temps. Pour nous, justement fier d’un tel élève et navré de sa perte, nous poursuivrons l’œuvre commune, en dépit des ennuis qu’elle entraîne, et nous serons soutenu plus d’une fois, dans nos vieux jours, par le souvenir du dévouement et de la foi de ce jeune homme.

BLANQUI.