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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/103

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et vous aussi, sans doute. Point du tout : le voilà parti pour Marseille où il se propose de distiller, dans une conférence soignée, quelques belles rosseries sur son ennemi. Il descend du train, l’esprit tout aiguisé de verve. On lui apprend tout aussitôt que Dumas est mourant. Que pensez-vous qu’il fit ? Il ne fit pas sa conférence ! Mais il se présenta, quelques jours après, à l’Académie française, candidat au fauteuil même d’Alexandre Dumas. Il n’eut pas quatre voix. Croyez-vous que c’est drôle ?

Et cette liste serait longue, si elle n’était pénible et douloureuse.

Voulez-vous savoir comment Becque mourut ? Un soir d’avril 1800, il se couche, avec son éternel cigare à la bouche. Il s’endort. Le cigare tombe, met le feu d’abord à la descente de lit, puis au bois du lit. Becque se réveille, environné de fumée, endosse, sur sa chemise de nuit, son frac, et se précipite chez les pompiers où son étrange costume l’oblige à expliquer longuement qu’il n’est pas fou et qu’il y a le feu chez lui. Il prend froid et meurt, quelque temps après, la veille même d’un soir où l’on reprenait La Parisienne.

12 mai 1890. — Henry Becque meurt ; il va jouir enfin de son dernier repos. Le combat est fini pour lui. Les journaux vont pouvoir rendre hommage à l’honnêteté de sa vie, à la sincérité de son œuvre. Déjà, dans les rédactions, on s’empresse pour faire l’éloge mérité de celui qui n’a jamais connu que la critique. Mais sa