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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/11

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La répétition est finie. Je suis remonté dans mon bureau où soudain entre Pierre Renoir. Il vient, comme d’habitude, parler avec moi du travail.

— Où va le théâtre d’aujourd’hui ? lui dis-je.

Il me regarde un instant avec son calme passionné :

— Qu’est-ce que ça peut bien te faire ? répond-il.

— C’est parce qu’on me le demande.

— Des gens sérieux ?

— Très sérieux.

— Alors dis-leur qu’ils attendent cinquante ans pour le savoir.

— Mais, c’est justement parce qu’ils voudraient le savoir tout de suite…

Il a l’air de réfléchir, puis il me dit :

— On ne peut jamais savoir où l’on va, mais tu peux leur dire d’où l’on vient, c’est déjà ça…

— Oui, dis-je, c’est une façon de faire le point.

— En tout cas, notre époque n’est pas une époque d’innovation. C’est ce qu’il y a de rassurant.