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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/162

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puissant que ses camarades. Les autres abandonnent peu à peu, il danse seul au milieu d’eux. Il est, en quelque sorte, inspiré et suscité par tous ses compagnons devenus public. C’est le soliste, mandataire de la masse.

De même jadis, l’inspiré est monté sur un tonneau, sur des tréteaux ; boute-en-train du groupe, il s’est mis à parler ou à chanter. Les autres ne l’ont pas écouté tout de suite, puis ils l’ont encouragé. Le public s’est assis, a attendu, le mandataire a su lui répondre. Le champ dramatique était créé et la profession de comédien était née. Nous retrouvons ce phénomène dans les jeux d’enfants. Ils y participent d’abord tous, puis un enfant se détache : il devient le protagoniste, les autres s’organisent autour de lui, écoutent, retrouvant spontanément la disposition du premier auditoire de l’antiquité, le cercle, le cirque.

Il n’y a pas de règles au théâtre lorsqu’il y a une personnalité, cependant cette « suscitation » de l’acteur nous permet d’établir que c’est dans la mesure où le public collabore au spectacle que celui-ci existe et se développe. Quand les serviteurs du théâtre ne sont plus « délégués » ou « mandatés », le spectacle n’a pas de sens.

Les dons physiques

Beauté, puissance, noblesse, voix bien timbrée, gestes et comportement, ce sont les premiers dons du comé-