Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/208

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C’est rendre l’acteur ou l’actrice « confortables », et les moyens d’y parvenir. C’est une manière de commander et d’aimer une troupe.

C’est encore ravitailler, alimenter, sustenter dramatiquement les comédiens, les encourager et les satisfaire, leur trouver un régime ou une diète scéniques ; c’est constituer et créer cette famille qui se recomposera à chaque pièce suivant une parenté nouvelle et qu’on appelle une troupe. Une troupe qui répète est une famille dans l’intimité. C’est même, à ma connaissance, la plus parfaite réalisation de la famille et c’est pour cela qu’il est si blessant pour nous de voir des curieux assister à une répétition. La présence d’un étranger dans une salle où répètent les comédiens est non seulement inopportune, mais quasi impudique.

Mettre en scène enfin, c’est servir l’auteur, l’assister par une totale, une aveugle dévotion qui fait aimer son œuvre sans réserve. C’est trouver ce ton, ce climat, cet état d’âme qui a présidé chez le poète à la conception, à son écriture, source vive et flux qui doit atteindre et innerver le spectateur et dont l’auteur lui-même n’a parfois ni science ni conscience. C’est réaliser le charnel par le spirituel. C’est une manière d’agir avec une œuvre, avec les lieux et les ornements dont on dispose pour la monter, avec les interprètes qui la joueront, avec le poète qui l’a conçue ; enfin, — et c’est ici le dernier point — avec le public à qui elle est destinée. Chargé d’affaires du public, le metteur en scène veille aux rapports de la scène et de la salle, du spectacle et