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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/221

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ment les autres et ont acquis une puissance qui est fonction de leur ancienneté. C’est, par ordre d’importance, l’Union des Artistes, l’Association des Directeurs et la Société des Auteurs — celle-ci, la plus ancienne et la plus puissante — qui représentent assez bien à leur façon le tiers état, le clergé et la noblesse des théâtres.

L’Union des Artistes a pris naissance après la guerre dans le sein de la C.G.T. Elle milite seulement pour la prospérité matérielle de ses adhérents qui, se plaçant sur un plan d’égalité dans une profession dont l’exercice implique au contraire le choix et l’excellence, s’interdisent par un étrange scrupule toute tendance artistique. Elle se trouve aujourd’hui compter sur 6 000 membres, 4 000 chômeurs qui paralysent son action. L’Union des Artistes, dans le corps théâtral, n’est efficacement rien, et, comme le tiers état, elle pourrait être tout.

L’Association des Directeurs, groupe flottant et incomplet, prend dans cette comparaison le rang du clergé, et l’on n’en justifierait les raisons que dans l’arbitraire du titre et de la fonction.

La diversité de leurs exploitations, les craintes incessantes d’un métier qui s’égale à celui du nautonier à travers les orages, les caprices de la fortune ou de la chance qu’ils subissent, le contrat draconien de la Société des Auteurs qui jugule leur activité, les charges exorbitantes dont l’État et l’Assistance Publique les accablent, laissent ses membres soucieux et résignés dans une sorte de « société amicale » un peu molle, une