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Page:Jouvet - Réflexions du comédien, 1938.djvu/33

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Cet appel du public n’est pas qu’un simple phénomène de capacité, assimilable à celui d’un tuyau d’aération dont l’appel d’air et le débit sont en rapport avec la section du tube. Le tuyau du poêle ne tire pas tous les jours de la même façon, et ce n’est pas seulement le soleil ou le vent qui modifient son tirage. La parfaite connaissance de cet humble problème a provoqué, comme beaucoup d’autres, le dépit de bien des savants.

Les gares, les plages, les hôtels des villes d’eaux, les champs de manœuvre, et même les champs de course, ne présentent pas ces caractéristiques et ces constantes, ils n’ont pas la même vie unanime, dirait Jules Romains, ni la même âme que les théâtres. Car le théâtre a une âme ! Une âme qui se forme petit à petit par les concrétions successives des pièces qu’il joue. Il y a, dans un théâtre, une sorte de crasse dramatique qui se dépose peu à peu dans ses flancs, un relent ou un parfum qui s’en dégage. Il y a dans un théâtre, par exemple, une acoustique qui, en dépit de tous les spécialistes, ne se corrige jamais, qui a une espèce de vie et d’existence suivant l’heure, le décor, la pièce, les acteurs et le public (et on peut dire d’une salle qu’elle a l’acoustique qu’elle mérite). Un théâtre a une sonorité dramatique personnelle, une nature dramatique individuelle, et un théâtre a sa santé, une bonne ou une mauvaise santé, suivant aussi ses acteurs, son directeur, son auteur et son public, le succès ou l’insuccès de son répertoire.

Lorsque nous sommes entrés à l’Athénée, en manière d’offrande et de purification aux dieux lares qui