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Page:Jouy - La Galerie des femmes, 1869.djvu/224

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GALERIE DES FEMMES

culte paternel ; mais mon cœur, qui semblait s’enrichir de la perte de mes yeux, parvint insensiblement à affaiblir mes regrets. Jugez, mon cher Édouard, combien sont vrais les plaisirs avoués de la nature ! Vous voyez un vieillard aveugle, de soixante et dix ans, qui a connu toutes les pompes, toutes les vanités de ce monde, inconnu maintenant, sur le bord de sa tombe, et qui pourtant ne consentirait pas, au prix de la jeunesse, de la fortune, de tout ce que le commun des hommes adore, à sacrifier un des jours de bonheur qu’il doit aux tendres soins d’une fille chérie. » Et en parlant ainsi, M. de Clénord passait sur sa bouche la main de Sophie, qui semblait absorbée dans la contemplation de son père. J’éprouvai dans ce moment un des plus doux transports que l’âme humaine puisse sentir, et la larme silencieuse qui coula de mes yeux rendit hommage au sentiment dont mon cœur était plein.

La journée entière s’écoula dans ces douces confidences, et ce fut en balbutiant que le soir, au moment de nous séparer, je crus devoir