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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/162

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VISIONS DE L’INDE


III

Naini-Tal (le lac d’Amour et de Mort).

Je me rappellerai toujours l’étrange impression, le coup délicieux de surprise que m’a donnés, quand j’y émergeai par une route dure, Naini-Tal, ce coin de douceur, cette vallée souriante, creusée au milieu des plus âpres montagnes du monde, qui ont huit mille mètres de hauteur. Ce lac frais et clair, qui cache des étendues inexplorées sous ses vingt-deux pieds de profondeur, est bordé de saules, comme l’Inde seule peut en créer, d’une délicatesse de teinte, d’une frêleté de lignes, d’une grâce mystique que ce pays de luxuriance et de force tient en réserve secrètement… Rien de ces décors d’opéra-comique qui gâtent la Suisse sans cesse, rien d’artificiel et de mesquin. Il y a un dieu dans cette eau limpide ; un dieu, c’est-à-dire une force sauvage, sensible, que l’on respire comme un parfum. Que dis-je ! un dieu, il y a deux déesses ! En effet, deux pagotins s’élèvent sur le sable, consacrés aux deux sœurs qui règnent sur le lac, Naïna-Devi et Nanda-Devi, au nord du Tal[1], en

  1. Tal, lac, Naini-Tal, le lac de Naini ; Devi, dieu, déesse.