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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/169

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VISIONS DE L’INDE

santé, sans souci, sous un climat qui est, après tout le meilleur de l’Inde.

— Votre existence à vous vous sourit-elle ?

Le petit homme est pris d’un de ces accès de confidences d’autant plus complets chez les Anglais, qu’ils sont plus rares. Voilà près de trente ans qu’il loge les autres en ce coin perdu des Himalayas, près de trente ans qu’il n’a pas vu la « City », qu’il n’en a pas respiré la fièvre, le brouillard, qu’il regrette l’odeur du chemin de fer souterrain. Il s’y est résigné pour élever ses enfants trop nombreux, comme des « gentlemen », pour donner des distractions à sa femme qui s’est ennuyée ici où il n’y a ni théâtre ni soirée ; eux sont disséminés un peu partout sur la terre ; elle habite décidément Londres, d’où elle ne retourne à Naïni-Tal que tous les trois ans pour y passer un été.

« Un de mes fils pourtant s’était décidé à venir aux Indes. Il était dans les affaires à Calcutta ; je comptais sur lui pour qu’il consentît à m’aider ; car je commence à vieillir et je souffre de la solitude. Mais il vient de m’écrire qu’il partait se battre au Transvaal… Et comme je lui ai fait l’observation qu’on pouvait se passer de lui là-bas, tandis qu’ici il devenait indispensable, il m’a répondu : « Père, votre métier d’hôtelier ne me plaît pas. Je préfère l’aventure… » Alors je lui ai envoyé de l’argent et