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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/211

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VISIONS DE L’INDE

gardant pas, ne parlant pas, ne se plaignant pas, gravissent ou descendent, pendant des milles et des milles, cette montagne sans fin, pareils aux condamnés d’un enfer moderne, d’un enfer créé par nous, par les hommes…


… Un tableau charmant pendant ces vingt-deux heures de route dans les wagons, sous la chaleur torride de l’après-midi et le perfide rafraîchissement des nuits commençantes. Une petite Hindoue reconduit sa mère malade dans la plaine. Son visage d’enfant, joyeux de vivre malgré l’esclavage et le dénuement, apparaît d’une rare beauté sous le voile virginal. « Nigra sum sed formosa. Je suis bronzée, mais je suis belle. » L’anneau de son nez danse sur sa lèvre. Cette frêle et parfaite statuette de l’Ève orientale se débat avec une grâce de princesse au milieu du laid tourbillon de la gare ; ses mains appellent une aide, tandis que la vieille mère s’écroule, mincie par les années, réduite aux os. Elle s’agite, la petite Hindoue, incertaine, ignorante, effrayée peut-être, mais sans avoir pu tarir sur sa bouche ce sourire qui contient tout le printemps. Ses bras, mûrs pour l’étreinte, se dévêtent ; sa poitrine apparaît, merveille de délicatesse et déjà de plénitude ; ses jambes luisent au soleil. Ses pieds craquent, plus chargés de bagues que ses mains