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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/277

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VISIONS DE L’INDE

citait une scène préparée, de toutes’paris, les clochettes des petits portiques, dans les cours des temples, tintinnabulent d’un son aigu et clair, si peu religieux, mais tant hypnotique ! Des bruits de tamtam répondent à ces tintements. Des prêtres, dont la voix de chacal a des glapissements voluptueux et égoïstes, lisent en les chantant les mentrams inscrits sur les escaliers que l’onde baigne. Les bateaux s’arrêtent ; un zébus aux cornes rouges meugle ; les oiseaux tourbillonnent avec des sifflements. Des femmes dévêtues et qui, sortant à peine des ablutions, ont gardé à leurs bijoux les pleurs de la Jumna, posent sur les degrés de marbre leur vase de cuivre et se prosternent devant l’heure divine. Et c’est réellement une évocation.

La placidité de la rivière cesse. L’eau s’anime. Tout le long des ghâts, se soulèvent, sortant leur tête grise d’une carapace verte, les majestueuses tortues, reines du limon. Elles viennent happer la nourriture que les prêtres, quotidiennement, leur servent. « Elles sont douces et bénies, prononce à mes côtés Rada. Elles sont les sœurs bienfaisantes des alligators et des crocodiles redoutables qui, là-bas, sur un îlot jaunâtre, viennent s’échouer. » J’embrasse d’un coup d’œil la ligne ininterrompue d’églises hindouistes dont la Jumna lèche les escaliers et que lentement gravissent les reptiles verts.