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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/31

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VISIONS DE L’INDE

foule bénigne et malpropre, mon camarade le globe-trotter tomba d’un bond sur nous. Le spectacle de l’ascète l’avait excité comme une injure personnelle.

— C’est infect, cria-t-il, oui, infect ! Comment peut-on permettre ces exhibitions ! D’abord, cet homme s’étale tout nu devant ceux qui passent. Puis, c’est du mauvais exemple, ce martyre que nul n’exige et qui ne sert à rien. Les Anglais, qui sont des gens civilisés, devraient défendre ce cabotinage de la douleur.

Mon camarade qui, jusqu’ici, s’était montré surtout insolent et ironique, parlait cette fois avec tout le sérieux d’une âme offensée. La conception humanitaire de l’Occident s’indignait dans ce frivole, à ce spectacle de pieux délire. Il ne pouvait admettre la sincérité de cet indigène ; néanmoins, pour le condamner, il le supposait loyal, puisqu’il lui reprochait l’ostentation de ce tourment volontaire.

Comme mon camarade avait parlé en anglais, — depuis son arrivée à Calcutta, il avait adopté, même pour nos conversations intimes, la langue des victorieux, — le prêtre qui nous suivait répondit :

« Tous les hommes recherchent le bonheur, c’est leur devoir et même leur droit, mais la route qui y conduit diffère selon les âmes. Vous, les hommes de l’Ouest, vous vous agitez pour obtenir de l’ar-