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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/40

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VISIONS DE L’INDE

résiste. Il la pousse doucement par les cuisses, l’endoctrine, la caresse, finit par l’emporter dans ses bras…

Je ne suis pas seul dans ma gondole d’Asie. Une Américaine, un moine de Shiva, sont à mes côtés dans la boite de bambou qui se balance comme un jouet sur le fleuve. Il y a juste la place pour trois, car l’Américaine et moi nous ne savons pas nous tenir, les jambes repliées, selon la pose du divin Bouddha méditant. Nous nous rendons au « Rama-chrisnamath », au plus célèbre monastère hindou du Bengale. Là, réside le swami Vivekananda, leader de l’Inde-Nouvelle. Le moine qui est avec nous est son frère mystique et notre accompagnateur. Il garde un silence bienveillant sous ses draperies jaunes ; souvent il ferme les yeux, semble se recueillir pour quelque extase. Longue, nerveuse, muscle de fer sous son élégance svelte, l’Américaine trépide, loquace. Elle admire avec l’enthousiasme d’une jeune barbare la fièvre mercantile qui rappelle son pays, ce bras de fleuve aussi large que l’Amazone, tandis que je me sens triste devant ce commerce énorme dont l’Inde profite si peu, la misère de ce peuple en guenilles, ce beau paysage gâté par l’industrie et le gain âpre. Il n’importe ! Le Gange, putride comme l’eau d’un port, et où nous poursuit l’odeur de Calcutta, — citron gâté, tabac