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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/50

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VISIONS DE L’INDE

nous fermons les yeux, nous retenons notre haleine, nous nous asseyons à l’ombre douce d’un grand arbre devant le feu primitif… L’Infini nous ouvre alors ses portes merveilleuses et nous entrons dans le monde intérieur qui est le seul vrai… Tenez, voyez vous-mêmes… il y a peu d’Européens qui ont pénétré ces mystères. »

Nous nous penchâmes à la fenêtre de la cellule. Une cloche avait tinté. Dans le jardin, sous un figuier des Indes, les moines s’étaient assis en rond ; ils balançaient la tête et le dos dans un mouvement rythmique. Celui qui nous avait accompagnés tout à l’heure chantait sur un ton étrange, rappelant notre plain-chant, mais plus strident et plus joyeux. Au centre, un feu se consumait dans la cendre grise. À côté du feu, le trident de Shiva était planté, vêtu de guirlandes. Tous fixaient la flamme où réside le Dieu. Une grande paix montait de ces organismes hypnotisés par l’âme ignée, une paix effrayante pour nous que l’activité grise, une paix où planait ce chant comme une aile sonore. Et les abeilles d’or dansaient sur ces têtes extatiques dans un rai de soleil, tandis que, dans le fond des étables sacrées, les vaches levaient leurs têtes vénérables, s’associant à ce culte étrange, où l’homme rentre dans la nature universelle et s’y anéantit sans mourir…