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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/83

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VISIONS DE L’INDE

quelques clochers émerge encore. Un peu plus loin, un toit affleure à la surface du fleuve qui l’a englouti, il sert de tréteau à des fanatiques qui saluent le soleil. Des colonnes énormes s’élèvent, tronquées aussitôt à quelques mètres du sol ; des pans de mur s’arrêtent brusquement, déchirés comme par une main titanesque. Des terrasses exquises, des colonnades majestueuses reçoivent l’ombre d’arbres énormes, poussés là on dirait depuis des siècles et dont les racines nues jaillissent au-dessus du sol comme des jambes crispées de vieillard. Et tout le long, des crevasses, des émiettements, des trous béants, des linges immondes pendant à des balcons désuets et splendides. Sur les pierres échappées à la ruine totale, des ornements compliqués apparaissent ; des formes vagues et monstrueuses. Quand nous frôlons les bords du Gange, nous découvrons un peu partout, dans des niches profondes, ciselées, on dirait, par des hommes-abeilles, des idoles aux contorsions d’ordure, le plus souvent tachées de rouge et ayant devant elles un fumier d’offrandes : fleurs jaunes, riz, fruits, tout cela gluant, parfois pourri.

Dans une anfractuosité de la rive nommée Harrish-Shambra-Ghat, une sorte de commerce semble établi, un double commerce : celui des morts qu’on brûle, celui du bois qui sert à les brûler. Ce bois