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Page:Jules Bois - Visions de l'Inde.djvu/94

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VISIONS DE L’INDE

clercs avares m’ont pris pour un Anglais sadique ; ils ont escompté la morsure affreuse, espéré que ma bourse se déclancherait à la secousse de mes nerfs…


Je plonge dans Bénarès… C’est la Jérusalem des dieux d’Asie, fière de ses deux mille temples ! Il me semble qu’un magnétisme infâme m’entraîne au fond de ce cloaque. Mon brahme est de plus en plus dégoûté et effrayé… Mais il a foi en mon visage blanc, et en l’autorité de ma monnaie. J’ordonne au cocher d’aller lentement ; tout est spectacle, étonnement. Les barbiers sous les vérandas tondent les têtes dociles avec des gestes de prestidigitateurs ; de jolis enfants jouent avec des chèvres ; à côté de buffalos noirs, des parias nus cassent les pierres de la route neuve. Des femmes, gracieuses et douces, avec tendresse, se tuent mutuellement leurs poux… Et ce sont les maisons de boue sèche des pauvres coolies autour des marchés aux herbes, qui alternent avec de fraîches demeures de babous ou de brahmes, dont la façade est peinturlurée de fresques vives représentant des éléphants en colère, des fleurs, des cipayes, des dieux.