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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/176

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lége, c’était le droit. Le jour s’était fait sur la nature des sociétés, sur l’origine du pouvoir, et la nation sentait enfin qu’il y avait contradiction entre les principes du droit naturel et ceux du droit féodal. Elle voulait bien respecter la propriété, si la propriété était légitimement gagnée, et le pouvoir, si le pouvoir était établi par elle-même, et organisé en vue de la justice et de l’intérêt commun ; mais elle ne voulait pas être plus longtemps la propriété du roi et des nobles, et la dupe du privilège. Déjà, toutes les fois qu’il y avait eu des états généraux, on avait vu le droit défendu contre le privilège, la justice contre la tradition, par quelque ferme esprit sorti de la plèbe. La protestation troublait les âmes, sans apporter une complète conviction, parce que le préjugé était trop enraciné et trop armé. Mais à présent, il était tout nu. Voltaire lui avait arraché son prestige, et le peuple éclairé, voyant enfin les choses comme elles sont, s’était retiré des privilèges, et leur avait ôté leur force. La rapidité de la Révolution n’étonne que parce qu’on oublie qu’elle renverse des fantômes. Le tiers état était le maître, par la force de la raison, avant de l’être par la soumission du clergé et de la noblesse. Cette première victoire, qui remettait le peuple à sa place, rendait la nuit du 4 août nécessaire. En effet, il aurait fallu que le peuple reconstruisît de ses propres mains les privilèges sous lesquels on l’accablait. Le roi ne voulait pas sanctionner les décrets du 4 août, mais pourquoi ? Parce qu’il était sous le coup d’une erreur profonde : il se croyait vivant ! L’Assemblée, pendant que Louis XVI songeait à employer son veto, tenait le droit de veto dans sa main, et s’apprêtait à le broyer. Le 21 janvier n’a détruit que la personne du roi, l’individu, un homme qui portait le nom de Louis XVI ; mais de roi de France, il n’y en avait plus depuis longtemps. Et ce n’est pas parce que le roi de France avait perdu son nom pour s’appeler, de par l’Assemblée, le roi des Français ; ce n’est pas parce qu’il avait été dépouillé du pouvoir législatif ; ce n’est pas parce