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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/181

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en un lieu de mascarade. Ces bandes interminables défilaient en poussant des cris et quelquefois au son des tambours et de la musique, tandis que le public des tribunes applaudissait à outrance, et que les membres de l’Assemblée rougissaient sur leurs bancs et courbaient la tête. Ils se sentaient impuissants devant ces orgies. Les démissions de prêtres, les lettres de prêtres annonçant leur mariage[1] devinrent si nombreuses, que l’Assemblée s’en débarrassa sur les municipalités. Danton ne pouvait pas dissimuler son dégoût. Par un contraste étrange avec ces dédains et cette secrète humiliation de l’Assemblée, les représentants en mission, plus mêlés au peuple et aux passions du peuple, se mettaient à la tête du mouvement anti-catholique. Ils présidaient eux-mêmes au pillage, et envoyaient par charretées à leurs collègues les dépouilles des sanctuaires, avec des lettres toutes pleines d’invectives contre la religion et les prêtres. La plupart de ces forcenés croyaient de bonne foi faire œuvre de patriotisme. Ils n’auraient pas compris le langage de la Convention, si la Convention avait osé leur prêcher le calme et la tolérance. L’histoire serait trop simple, et l’humanité serait trop belle si l’on pouvait s’arrêter du premier coup dans la raison. N’avons-nous pas vu cette même Assemblée constituante, où siégeaient tant de fermes esprits, hésiter, se troubler dans la question si simple de l’émancipation des protestants et des juifs ?

Ainsi les protestants avaient obtenu de l’Assemblée l’égalité complète, mais par faveur ; les catholiques avaient gardé le rang de religion d’État, ce qui constituait une iniquité pour les autres cultes, et, par les conditions imposées, équivalait pour les catholiques eux--

  1. Les évêques qui s’opposaient au mariage des prêtres, étaient condamnés à la déportation (19 juillet 1793). De quel droit, puisque les prêtres n’étant plus fonctionnaires (décret du 10 décembre 1792), l’autorité épiscopale était purement spirituelle ?