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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/245

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France un parti prépondérant, s’il se rencontrait un pouvoir assez intelligent pour le comprendre et assez fort pour le commencer. Le sort de l’ancienne monarchie lui semblait irrévocablement lié à celui de la noblesse, et la noblesse avec ses préjugés, ses rancunes et ses droits iniques, lui paraissait désormais impossible ; il croyait donc qu’on pouvait créer l’ordre sans rappeler les rois ni les nobles ; que cette exclusion d’hommes et de droits odieux paraîtrait un résultat suffisant des grandes convulsions qu’on venait de traverser, et que la France, tranquille de ce côté, supporterait volontiers, accepterait même avec reconnaissance un pouvoir aussi concentré et aussi fort que le pouvoir royal. Dès que cette pensée fut arrêtée dans son esprit, il chercha tous les éléments d’ordre et d’autorité qui pouvaient être empruntés à la société ancienne, et pour se rendre désirable et acceptable, il ne manqua aucune occasion de manifester ses nouvelles tendances. La religion lui parut une de ces forces qui concourent à rendre fort le pouvoir politique, pourvu qu’il sache s’en servir et surtout ne pas leur obéir ; et il n’est pas douteux que, membre de la Constituante, il aurait donné les mains à la constitution civile du clergé, s’il avait cru l’entreprise réalisable. En effet, l’Église, ainsi soumise au pouvoir civil, lui donnait de la force et ne lui en ôtait pas, tandis que l’Église orthodoxe, même avec les réserves des libertés gallicanes, avait été pour l’ancienne monarchie tout à la fois une cause de force et de faiblesse. Il ne mêlait à cette conviction exclusivement politique aucune inclination particulière pour le catholicisme et n’était en un mot guidé que par des raisons d’homme d’État. Il s’était accoutumé de bonne heure à employer les idées religieuses au succès de ses desseins. Général de l’armée d’Égypte, peu s’en fallut que, pour faciliter et assurer sa conquête, il ne, se déclarât musulman. Ce fut pour le même but et avec les mêmes sentiments qu’il n’hésita pas à faire profession de catholicisme pendant sa seconde campagne d’Italie. Il dit un jour à