Aller au contenu

Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/280

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gnement : prendre les âmes ! C’est la première de toutes les œuvres de charité, et la plus délicate ; car on peut toujours, quand il est question des hommes faits, distinguer entre la persuasion et la force ; mais, dès qu’il s’agit d’éducation, la persuasion même ressemble de très-près à la force, si on a le monopole du droit de persuader. On s’était à peu près emparé de l’instruction primaire par les Frères de la doctrine chrétienne et par un assez grand nombre d’autres congrégations vouées à l’instruction du peuple[1] ; cette branche d’enseignement était d’ailleurs fort délaissée ; la Congrégation voulait diriger les écoles, à l’exclusion des laïques, et ne voulait ni en augmenter le nombre, ni en élever le niveau[2]. Au contraire, elle tenait essentiellement à diriger la civilisation, en s’emparant des enfants des classes riches : là était la tâche importante et difficile. L’Université, peu agressive, était résistante ; elle pliait et ne rompait pas. M. Royer-Collard,

    quelques articles de la Charte constitutionnelle qu’elle a donnée à ses peuples ont paru à Sa Sainteté contraires aux lois de l’Église et aux sentiments religieux qu’elle n’a jamais cessé de professer ; pénétrée du regret que lui fait éprouver une telle interprétation et voulant lever toute difficulté à cet égard, a chargé le soussigné d’expliquer ses intentions à Sa Sainteté et de lui protester, en son nom, avec les sentiments qui appartiennent au fils aîné de l’Église, qu’après avoir déclaré la religion catholique, apostolique et romaine, la religion de l’État, elle a dû assurer â tous ceux de ses sujets qui professent les autres cultes qu’elle a trouvés établis en France, le libre exercice de leur religion, et le leur a en conséquence garanti par la Charte et par le serment que Sa Majesté y a prêté. Mais ce serment ne saurait porter aucune atteinte ni aux dogmes, ni aux lois de l’Église, le soussigné étant autorisé à déclarer qu’il n’est relatif qu’à ce qui concerne l’ordre civil. Tel est l’engagement que le roi a pris et qu’il doit maintenir. Tel est celui que contractent ses sujets en prêtant serment d’obéissance à la Charte et aux lois du royaume, sans que jamais ils puissent être obligés par cet acte à rien qui puisse être contraire aux lois de Dieu et de l’Église. »

  1. La France avait alors, outre les Frères de la doctrine chrétienne ou Frères de Saint-Yon, la Congrégation chrétienne de Lamennais, les Frères de Saint-Joseph, les Frères de Marie, l’Association du Saint-Viateur, etc.
  2. Le budget de l’instruction primaire fut de 50 000 fr. jusqu’en 1828. On l’éleva à 100 000 en 1829 et à 300 000 en 1830, quelques mois avant la Révolution. Voy. l’École, par Jules Simon. 1re partie, ch. V.