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Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/282

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tolérance. Elle mettait dans la loi le dogme de la présence réelle[1], et punissait, de la peine du parricide — la mort, et plus que la mort — quiconque avait profané les vases sacrés. L’incrédule, le protestant, le juif était puni d’une peine hors de proportion avec son acte, et cela parce qu’il y avait, dans la pensée du législateur et peut-être dans celle du juge, une opinion qu’il ne partageait pas. N’était-ce pas l’inquisition elle-même, ressuscitée au milieu de notre civilisation moderne ? M. de Bonald prononça ces paroles devant la Chambre des pairs : « Le Sauveur a demandé grâce pour ses bourreaux ; mais son Père ne l’a pas exaucé. » Et encore : « Que faites-vous par une sentence de mort, sinon d’envoyer le coupable devant son juge naturel[2] ? »

Je croirais manquer à l’impartialité si je ne reconnaissais que, pendant la Restauration, il y eut dans le sein même du parti légitimiste et jusque dans les régions du pouvoir, des esprits plus libéraux qui résistèrent de toutes leurs forces à cet entraînement. Pénétrés de la morale de l’Évangile, au lieu de recourir à l’intolérance ou à la menace, ils voulaient vaincre par la charité, et ramener les temps des saint François de Sales, des saint Vincent de Paul, des Fléchier et des Fénelon. C’était la vérité et la justice ; et en même temps c’était la bonne politique. On ne les écouta pas, et ils furent condamnés à la douleur de voir l’accomplissement de leurs prophéties. Non-seulement le voltairianisme reprit faveur sous les derniers temps de la Restauration ; mais à l’avènement de la révolution de 1830, le clergé se crut sérieusement en péril. Pendant les années qui suivirent la victoire populaire, un prêtre osait à peine se montrer dans les rues en costume ecclésiastique. La sagesse du pouvoir et le bon esprit des populations empêchèrent les sévices ; ce-

  1. « La religion catholique est la religion de l’État, dit le ministre des cultes ; donc l’État professe le dogme de la présence réelle. »
  2. Voyez la note de M. de Vaulabelle, l. I., p. 103 sq.