Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/361

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je ne parle pas de la promesse faite au clergé en 1789 de remplacer ses biens-fonds, dont on exigeait le sacrifice, par une allocation annuelle[1]. Je ne cherche pas jusqu’où l’on doit pousser le principe des solidarités en histoire, soit à l’égard des gouvernements qui ont succédé à l’Assemblée constituante, soit à l’égard du clergé considéré comme personne civile ; et je n’examine pas non plus si l’État a le droit de discuter l’origine des propriétés et de supprimer celles qui ne peuvent subsister qu’en violant les lois générales[2]. Il y aurait beaucoup à dire sur cette

  1. Séance de la Constituante du 2 novembre 1789. Mirabeau, à la suite d’un long discours, lit sa motion ainsi conçue : « Qu’il soil déclaré premièrement que tous les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres, sous la surveillance et d’après les instructions des provinces. Secondement, que selon les dispositions à faire pour les ministres de la religion, il ne puisse être affecté à la dotation des curés moins de douze cents livres, non compris le logement et jardin en dépendant. » Le résultat de l’appel nominal donne 568 voix pour adopter et décréter la motion, 346 pour la rejeter, et 40 voix nulles. La séance est levée a six heures au bruit des applaudissements de l’auditoire. (Moniteur du 3 novembre 4 789.) — Cf. le Rapport sur les biens du clergé, présenté par l’évêque d’Autun (Talleyrand) à la séance du 10 octobre 1789. Le rapporteur établit que le produit des biens-fonds du clergé s’élève à 70 millions ; celui de la dîme à 80 millions, appréciation très-inférieure à la réalité ; que ces 150 millions sont répartis annuellement entre 80 mille prêtres, dont 40 mille pasteurs ; que les deux tiers de cette somme (soit 100 millions) suffiraient pour assurer aux ecclésiastiques une rémunération suffisante ; il propose d’inscrire cette somme au budget de l’État, de maintenir en conséquence la suppression de la dime et d’aliéner les biens du clergé. Il montre que, par cette vente, on pourra faire face aux embarras du trésor, et abolir la vénalité des charges en rachetant les offices, « Il n’y a, dit le rapporteur, aucun doute sur le droit de l’État. Les donateurs ont donné aux pauvres et aux églises, plutôt qu’au clergé ; dès que l’État pourvoit aux besoins des uns et des autres, l’intention des fondateurs est respectée. » Il ajoute que l’État a droit sur les biens des congrégations, puisqu’il a le droit de supprimer la congrégation elle-même. Il signale, sans y insister, un abus dont il aurait pu se faire un argument redoutable, les bénéfices sans fonctions. Il conclut par ces mots : « Le clergé n’est pas propriétaire à l’instar des autres propriétaires. »
  2. L’assemblée des deux ordres tenue à Pontoise, en 1562, par délégation des états généraux, pendant que les élus du clergé assistaient au col-