Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/383

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d’elle la liberté, ou quand elle ne renonce pas volontairement à user de la plénitude de sa force, en obtenant pour compensation la protection et le salaire. C’est pourquoi je répète avec une conviction entière : le Concordat doit être aboli, mais à la condition expresse qu’on nous rende, du même trait de plume, la liberté absolue de penser. Nous allons voir maintenant, avant de conclure, un nouvel, argument en faveur de cette double conclusion, dans les questions qui se rattachent à l’enseignement.

6. Je prends l’enseignement tel qu’il est constitué en France, parce que l’Université est originairement fondée sur un principe très-simple et très-radical, et que par conséquent elle nous fournit un exemple parfaitement clair. Avant la Révolution, il y avait un grand nombre de corps enseignants, parmi lesquels les jésuites et les oratoriens dont les doctrines étaient fort loin de s’accorder. Lorsque l’Empereur entreprit de remettre les études en honneur, il fonda, sous le nom d’Université, une sorte de corporation laïque, gouvernée par un grand maître, ayant ses règlements, sa discipline, sa pénalité, ses récompenses honorifiques, comprenant tous les degrés et toutes les matières de l’enseignement, et réunissant toutes les écoles sous son autorité. Cette Université, d’après la définition même de son organisateur, M. de Fontanes, n’était autre chose que l’État enseignant. Elle laissa subsister à côté d’elle des écoles d’enseignement primaire et secondaire, mais en leur imposant des conditions onéreuses et un véritable vasselage. Ces écoles furent astreintes à obtenir de l’Université l’autorisation d’exister ; elles durent lui payer un tribut pécuniaire, accepter d’elle leurs livres et leurs méthodes, subir l’inspection de ses agents, reconnaître sa juridiction en matière disciplinaire, et présenter leurs élèves à ses jurys d’examen pour l’obtention des grades[1]. L’Université, ainsi privilégiée et dominante, fut pour l’ent-

  1. Loi du 10 mai 1806. — Décret du 17 mars 1803.