Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/399

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droit de parler, c’est le droit de penser qui a des ennemis. Eh ! si cela n’était pas, qui donc se donnerait la peine de propager des superstitions ineptes ? Et pourquoi trouverait-on dans certains partis, à toutes les époques, de sourdes haines contre la diffusion des lumières ? Pourquoi tant de presses brisées, tant d’écoles fermées, tant de voix éloquentes condamnées au silence ? À qui la contradiction et la discussion feraient-elles peur, si le fanatisme n’espérait pas trouver dans l’homme même, dans ses passions, dans ses erreurs, dans son ignorance, un ennemi de la liberté de l’homme ?

C’est ici qu’il faut se donner le spectacle des contradictions de nos adversaires. Tantôt ils nous déclarent que nos alarmes sont vaines, parce que la liberté intérieure est invincible ; et tantôt, pour montrer qu’il n’y a pas de liberté ou que la liberté ne vaut rien, ils soutiennent que notre raison est impuissante. Et en effet, si la raison perdait son autorité, je ne donnerais pas un fétu de la liberté de l’homme. La vérité est qu’il ne faut pas s’exagérer la force de la raison au point de croire qu’on ne peut la tromper, car ce serait dire qu’il n’y a ni enfants, ni faibles esprits, ni lâches cœurs, ni souveraines passions, ni volontés chancelantes ; et qu’il ne faut pas non plus s’exagérer la faiblesse de la raison jusqu’à prendre pour un vice de sa nature ce qui n’est qu’un effet de l’ignorance, ou de l’entraînement, ou de l’éducation. Quand même il serait vrai que la raison a besoin d’être éclairée, ce que personne ne nie, et qu’elle a une portée différente selon les âges, l’éducation et la trempe du caractère et de l’esprit, ce qui est évident, qu’en pourrait-on conclure, sinon qu’il faut lui donner les instruments et les directions dont elle a besoin, l’aider à chasser les préjugés qui l’offusquent, à vaincre les passions qui l’étouffent, la rendre enfin maîtresse d’elle-même ? car tout est là, et, dès qu’elle se possède, elle va en droite ligne et par sa propre force vers la vérité. Mais ce n’est pas le compte de