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Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/169

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longue tige de bambou à cheval sur l’épaule. Perdue dans la cohue, une vieille femme s’étaie péniblement d’une perche en se traînant sur ses pieds brisés. Plus prudente, une jeune Chinoise maquillée de carmin chemine un peu en dehors de la route à califourchon sur un âne conduit par son domestique. Soudain, tout le monde s’écarte pour livrer passage à la chaise hermétiquement close d’un mandarin en tournée, une escorte de soldats célestes à tuniques turquoise ornées de gigantesques caractères, marchent sans ordre autour du chef en traînant leurs fusils dans la boue du chemin.

Au milieu des piétons et des cavaliers s’avance ininterrompue la longue théorie des chariots. Ce sont trois planches clouées sur une pièce de bois horizontale au bout de laquelle grincent deux roues grossières, solidement cerclées et renforcées par une armature de têtes de clous comme les boucliers des anciens Grecs. L’attelage se compose d’un animal entre les brancards précédé de trois autres en flèche. Tous les quadrupèdes du pays sont employés à tirer la lourde voiture : chevaux, bœufs, mules, bourriquets, fraternisent sous le même fouet et les injures impartialement adressées à chacun.

Leur marche est lente, mais elle ne s’arrête jamais. Si un sac tombe, les conducteurs le ramassent, le chargent sur leurs épaules et courent après le cha-