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Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/228

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des Américains ont péri dans la noyade générale de Kaïping ; un phonographe prêté par un marchand chinois les remplace. Son répertoire fort limité ne comprend qu’une marche militaire, Viens, poupoule, et l’Ave Maria de Gounod. Cette salade musicale, grâce aux quinze mille kilomètres qui nous séparent du pays, trouve tous les jours un public enthousiaste.

La première fois qu’ils sont venus, les officiers nous ont exprimé le regret de ne pouvoir nous rendre nos invitations. Nourris aux frais du gouvernement japonais, ils n’ont rien à nous offrir, ne voulant pas demander des extras en dehors des repas. Leur sort est plus triste que le nôtre ; ils ont encore moins d’indépendance que nous.

Ce matin même, ils ont reçu une preuve nouvelle de la bienveillance des trois officiers qui les accompagnent. On les avait menés voir un pont de chevalets que le génie venait de jeter sur la rivière de Haïtcheng à quatre kilomètres en aval de la ville. Ils y trouvèrent un commandant de pontonniers parlant allemand. Il se montra très aimable et donna aux étrangers des renseignements sur le nombre de travailleurs, les outils et les matériaux employés, le temps nécessaire à la construction. Tout cela était parfaitement inoffensif. Pourtant, un des guides s’approcha du commandant du génie et lui dit en japonais : « Ne répondez pas aux questions qu’on