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Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/263

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heures du matin. Personne n’a dormi. À la lueur des lanternes, tenues à bout de bras par les boys, nous sanglons les selles et, avant de passer la bride, jetons à nos montures une brassée d’herbe fraîche. Mais la voix de M. Tanaka nous crie qu’il faut partir, et on monte à cheval,

La file indienne se met en marche comme une procession de fantômes sous la lumière incertaine de la lune ouatée de légers nuages.

Grâce à mon excursion de la veille, je connais le chemin et me porte en tête à côté du lieutenant Sataké pour lui servir de guide. Rien n’est fatigant pour le cavalier comme une marche de nuit. L’attention est perpétuellement en éveil, car les chevaux, las, s’assoupissent à moitié et il faut sans cesse scruter les ténèbres pour éviter les trous et les obstacles. Le bercement régulier du pas endort insensiblement l’homme comme la bête et l’oblige à se raidir contre le sommeil qui l’envahit.

Après deux heures de ce pénible exercice, nous apercevons enfin à l’horizon une faible lueur, le froid devient plus pénétrant et fait frissonner les membres engourdis par l’immobilité. Les silhouettes se dessinent en contours plus nets, la blancheur de la route s’estompe, le ciel s’éclaire doucement de rose pâle, puis, à l’est, les rayons flamboyants illuminent l’espace. C’est enfin le jour qui