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Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/285

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s’aplalissent derrière des tombes chinoises sans pouvoir avancer ni reculer d’un pas. Aussitôt, l’ordre arrive de suspendre le mouvement.

Il est cinq heures, et le crépuscule approche. Je remonte à cheval et me mets en quête d’un asile pour la nuit : ce n’est pas chose facile. Toutes les fermes sont transformées en hôpitaux. Après deux heures de marche, j’avise un temple bouddhiste sur lequel ne flotte pas le pavillon de la Croix-Rouge. C’est celui-là même près duquel j’ai fait dans la matinée ma première halte pour examiner le champ de bataille.

La vieille pagode émergeant d’un bouquet de sycomores, dorée par les derniers rayons du soleil, le roucoulement des tourterelles apprivoisées, la lente mélopée des bonzes en prière, accompagnée des vibrations profondes des gongs de métal, donnent une impression de repos et de paix si différente des visions sanglantes de tout à l’heure, que je me crois tout à coup transporté dans un autre monde.

Quelques vieux prêtres sont assis sur le seuil ; ils dévisagent le nouveau venu d’un air rogue et méfiant ; mais l’un d’eux, ayant pu lire sur mon brassard blanc et rouge que je ne suis qu’un correspondant inoffensif, se transfigure soudain, me frappe sur l’épaule et saisit mon cheval par la bride en répétant : Megoua, Megoua (Américain). Très intrigué,