Aller au contenu

Page:Kann - Journal d'un correspondant de guerre en Extrême-Orient.djvu/302

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Allez de votre côté, me dit-il en me serrant la main ; ici, c’est chacun pour soi et Dieu pour tous : vous serez donc le seul d’entre nous à voir la fin de la bataille.

Il tourne son cheval vers le sud pendant que je mets le mien au galop pour rejoindre les colonnes de la 5e division qui reprennent leur marche sur Liaoyang.

La deuxième ligne de défense au-dessous des murs de la ville chinoise reste encore intacte. Les Russes ont évacué non seulement toutes les lignes de Chiouchanpou, mais encore la position flanquante L-M. C’est sur ce dernier point que je me porte. La 5e division marche dans cette direction pour appuyer le mouvement prescrit aux divisions de Kouroki. On se souvient que la première armée devait déborder la gauche russe et couper la retraite au général Kouropatkine. Personne, dans l’armée japonaise, ne doutait de l’heureuse issue de ce plan audacieux. Un petit sous-lieutenant, frais émoulu de l’École militaire de Tokio, m’en fit part tandis que je marchais à côté de sa compagnie. Exalté sans doute par le succès de la veille, et sachant que j’étais Français, l’insolent blanc-bec se campa devant mon cheval et me dit :

— C’est aujourd’hui l’anniversaire d’une bataille mémorable ; nous le fêterons aussi à l’avenir, car ce sera le Sedan de l’armée russe.