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Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/24

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DE LA MÉTAPHYSIQUE DES MŒURS


elle-même, elle doit être estimée incomparablement supérieure a tout ce qu’on peut exécuter par elle au profit de quelque penchant, ou même de tous les penchants réunis. Quand un sort contraire ou l’avarice d’une nature marâtre priveraient cette volonté de tous les moyens d’exécuter ses desseins quand ses plus grands efforts n’aboutiraient à rien, et quand il ne resterait que la bonne volonté toute seule (et je n’entends point par là un simple souhait, mais l’emploi de tous les moyens qui sont en notre pouvoir), elle brillerait encore de son propre éclat, comme une pierre précieuse, car elle tire d’elle-môme toute sa valeur. L’utilité ou l’inutilité ne peut rien ajouter ni rien ôter à cette valeur. L’utilité n’est guère que comme un encadrement qui peut bien servir à faciliter la vente d’un tableau, ou à attirer sur lui l’attention de ceux qui ne sont pas assez connaisseurs, mais non à le recommander aux vrais amateurs et à déterminer son prix.

Cependant il y a dans cette idée de la voleur absolue qu’on attribue à la simple volonté, sans tenir aucun compte de l’utilité, quelque chose de si étrange, que, encore qu’elle soit parfaitement conforme a la raison commune, on est naturellement conduit à se demander s’il n’y a pas ici quelque illusion de l’imagination produite par un faux enthousiasme, et si nous ne nous trompons pas en interprétant ainsi le but pour lequel la nature a soumis notre volonté au gouvernement de la raison. C’est pourquoi nous allons examiner cette idée, en nous plaçant à ce point de vue.

Quand nous considérons la constitution naturelle