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Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/256

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DES MOBILES DE LA RAISON PURE PRATIQUE


sentiment (par le préjudice porté aux inclinations) est lui-même un sentiment. Par conséquent, nous pouvons bien voir a priori que la loi morale, comme principe de détermination de la volonté, par cela même qu’elle porte préjudice à toutes nos inclinations, doit produire un sentiment qui peut être appelé de la douleur, et c’est ici le premier et peut-être le seul cas où il nous soit permis de déterminer par des concepts a priori le rapport d’une connaissance (qui vient ici de la raison pure pratique) au sentiment du plaisir ou de la peine. Toutes les inclinations ensemble (qu’on peut ramener à une sorte de système, et dont la satisfaction s’appelle alors le bonheur personnel) constituent l’amour-propre (solipsismus *[1]). Celui-ci est ou bien l’égoïsme **[2]), qui consiste dans une bienveillance excessive pour soi-même (philautia), ou bien la satisfaction de soi-même (arrogantia). Le premier s’appelle particulièrement amour de soi ***[3]), la seconde présomption ****[4]). La raison pure pratique ne porte préjudice à l’amour de soi, qui est naturel à l’homme et antérieur à la loi morale, que pour le contraindre à se mettre d’accord avec cette loi, et à mériter ainsi le nom à l’amour-propre raisonnable. Mais elle confond entièrement la présomption, car toute prétention à l’estime de soi-même, qui précède la conformité de la volonté à la loi morale, est nulle et illégitime, puisque la conscience d’une intention conforme à cette loi est la première condition de la valeur de la personne (comme nous le montrerons bientôt plus

  1. * Selbstsucht.
  2. ** Selbstliebe.
  3. *** Eigenliche.
  4. **** Eigendünket.