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Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/274

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DES MOBILES DE LA RAISON PURE PRATIQUE


relativement à tout ce dont elle a besoin pour être parfaitement contente de son état, elle ne peut jamais être entièrement libre de désirs et d’inclinations. Or les désirs et les inclinations, reposant sur des causes physiques, ne s’accordent pas d’eux-mêmes avec la loi morale, qui a une tout autre origine. D’où il suit qu’il est toujours nécessaire de reconnaître dans nos maximes le caractère d’une contrainte morale, et non celui d’un attachement empressé, et de leur donner pour fondement le respect qu’exige l’observation de la loi, quoique nous ne l’accordions pas sans peine, et non l’amour qui ne craint aucun refus de la volonté vis à-vis de la loi. Et pourtant il faut faire du pur amour de la loi (laquelle dès lors cesserait d’être un ordre, comme la moralité, élevée dans le sujet à l’état de sainteté, cesserait d’être vertu), le but constant, quoique inaccessible, de nos efforts. En effet, dans les choses que nous estimons par-dessus tout, mais que pourtant nous redoutons (à cause de la conscience de notre faiblesse), la facilité plus grande que nous acquérons change la crainte en inclination et le respect en amour, et elle donnerait à nos dispositions à l’égard de la loi toute leur perfection, s’il était possible à une créature de l’atteindre.

Cette considération n’a pas seulement ici pour but de ramener à des concepts clairs le principe évangélique cité plus haut, afin de prévenir le fanatisme religieux *[1] où peut conduire l’amour de Dieu, mais aussi de déterminer exactement la disposition morale qui nous con-

  1. * Religions schwärmerei.