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Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/313

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CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE.


ne s’apercevrait jamais, si elle ne se trahissait par un conflit, que la raison engage avec elle-même en appliquant à des phénomènes son principe, qui consiste à supposer l’inconditionnel pour tout conditionnel. Mais la raison est forcée par là de rechercher d’où peut naître cette illusion et comment elle peut être dissipée, ce qu’on ne peut faire que par une critique complète de toute la raison pure ; en sorte que l’antinomie de la raison pure, qui se manifeste dans sa dialectique, est dans le fait l’erreur la plus utile où puisse tomber la raison humaine, car elle nous pousse en définitive à chercher un moyen de sortir de ce labyrinthe, et ce moyen, une fois trouvé, découvre encore ce qu’on ne cherchait pas et ce dont on a pourtant besoin, c’est-à-dire ouvre une vue sur un ordre de choses supérieur et immuable, dont nous faisons déjà partie, et où des préceptes déterminés peuvent nous instruire à maintenir notre existence, conformément à la destination suprême que nous assigne la raison.

On peut voir tout au long dans la critique de la raison pure comment, dans l’usage spéculatif de cette faculté, il est possible de résoudre cette dialectique naturelle et d’éviter l’erreur que cause une illusion, naturelle d’ailleurs. Mais la raison dans son usage pratique n’a pas un meilleur sort. Elle cherche aussi, comme raison pure pratique, pour le conditionnel pratique (qui repose sur des inclinations et des besoins de la nature) l’inconditionnel, et il ne s’agit pas ici du principe déterminant de la volonté, mais, puisque ce