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Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/392

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MÉTHODOLOGIE DE LA R. PURE PRATIQUE.


daigneux de la pratique des devoirs ordinaires, et incapables même de les apprécier exactement, on en fait bientôt des êtres fantasques. Et, dans la partie instruite et éclairée de l’humanité, si ce prétendu mobile n’est pas funeste, il n’a pas du moins sur le cœur cet effet véritablement moral qu’on en attend.

Il faut que tous les sentiments, particulièrement ceux à l’aide desquels on veut produire un effort extraordinaire, accomplissent leur effet au moment où ils sont dans toute leur ardeur et avant qu’ils ne se refroidissent, sinon tout est perdu ; car, comme on a bien pu séduire le cœur un instant, mais qu’on ne l’a pas fortifié, il reprend naturellement son assiette ordinaire, et retombe ainsi dans sa langueur accoutumée. Des principes ne peuvent être fondés que sur des concepts ; en s’appuyant sur tout autre fondement, on ne peut produire que des mouvements passagers, qui ne sauraient donner à la personne aucune valeur morale, et même aucune confiance en soi. Que devient dès lors la conscience de la moralité des intentions et du caractère, ou le souverain bien dans l’homme ? Or ces concepts, pour pouvoir être subjectivement pratiques, ne doivent pas nous représenter la loi objective de la moralité comme un objet d’admiration et de haute humanité, mais nous la montrer dans son rapport à l’homme et à son individualité ; car cette loi se montre à nous sous une figure qui sans doute est digne du plus profond respect, mais qui n’est pas aussi séduisante que si elle annonçait un de ces penchants auxquels nous sommes naturellement accoutumés : elle nous force