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Page:Kant-Critique de la raison pratique, trad. Barni, 1848.djvu/51

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FONDEMENTS


qu’on peut trouver dans le champ de l’expérience, car la conscience de la dignité de la raison nous donne du mépris pour tous ces mobiles et prépare ainsi peu à peu sa domination. Au lieu de cela, supposez une morale mixte, composée à la fois de mobiles sensibles et de concepts rationnels, l’esprit flottera entre des motifs, qui, ne pouvant être ramenés à aucun principe, le conduiront peut-être au bien par hasard, mais plus souvent le conduiront au mal.

Il résulte clairement de ce qui précède que tous les concepts moraux sont tout à fait a priori et ont leur source et leur siège dans la raison, dans la raison la plus vulgaire, aussi bien que dans la raison la plus exercée par la spéculation ; que ces concepts ne peuvent être abstraits d’aucune connaissance empirique et, par conséquent contingente ; que c’est précisément cette pureté d’origine qui fait leur dignité, et leur permet de nous servir de principes pratiques suprêmes ; qu’on ne peut rien y ajouter d’empirique, sans diminuer d’autant leur véritable influence et la valeur absolue des actions ; qu’il n’est pas seulement de la plus grande nécessité sous le rapport théorique,

    effet l’observation la plus vulgaire prouve que, si on nous présente un acte de probité, pur de toute vue intéressée sur ce monde ou sur un autre, et où il a fallu même lutter contre les rigueurs de la misère ou contre les séductions de la fortune, et d’un autre côté, une action semblable à la première, mais à laquelle ont concouru, si légèrement que ce soit, des mobiles étrangers, la première laisse bien loin derrière elle et obscurcit la seconde : elle élève l’âme et lui inspire le désir d’en faire autant. Les enfants même, qui atteignent l’âge de raison, éprouvent ce sentiment, et l’on ne devrait jamais leur présenter leurs devoirs d’une autre manière.