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Page:Kant - Anthropologie.djvu/379

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J’ai appelé maladies de la tête les désordres de l’intelligence, comme on appelle la corruption de la volonté une maladie du cœur. Je n’ai considéré aussi les phénomènes des maladies intellectuelles que dans l’âme, sans vouloir en découvrir les racines, qui sont, à proprement parler, dans le corps, et qui peuvent bien avoir leur principal siège dans l’appareil digestif plutôt que dans le cerveau, ainsi que l’a établi avec vraisemblance la feuille hebdomadaire, très répandue et justement estimée, le Médecin, dans ses numéros 150 à 152. Je ne puis absolument pas me persuader que les désordres de l’esprit doivent résulter, comme on le croit communément, de l’orgueil, de l’amour, d’une trop forte application, et de tout autre abus des facultés de l’âme. Ce jugement, qui fait de la maladie une raison de malin reproche, est très peu bienveillant et occasionné par une erreur commune, celle qui fait confondre la cause et l’effet. Pour peu qu’on fasse attention aux exemples, on s’assurera que le corps est d’abord atteint ; qu’au début, le germe de la maladie se développe insensiblement, qu’une perversion douteuse, mais qui ne fait encore présumer aucun trouble, est cependant remarquée, et se traduit en fantaisies étranges, en prétentions excessives, ou en vaines mais profondes subtilités. Avec le temps, la maladie éclate, et fournit l’occasion d’en placer le principe dans l’état de l’âme qui l’a précédée immédiatement. Mais il fallait dire que l’homme est devenu orgueilleux parce qu’il était déjà un peu fou, plutôt que de croire qu’il est devenu fou parce qu’il était orgueilleux. Ces tristes maladies, pourvu qu’elles ne soient pas héréditaires, permettent encore l’espoir d’une heureuse guérison, et celui dont les soins sont surtout à rechercher, c’est le médecin. Je ne pourrais cependant pas, ne fut-ce que par amour-propre, exclure volontiers le philosophe, qui pourrait prescrire la diète de l’âme, mais à la condition qu’en cela, comme pour la plupart de ses autres travaux, il ne demandât pas de salaire. Le médecin, par reconnaissance, ne devrait pas non plus refuser au philosophe son assistance, et si celui-ci cherchait, quoique toujours en vain, à guérir l’ex