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Page:Kant - Anthropologie.djvu/476

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de l'empire de l'esprit. 46S

4° Des sentiments maladifs résultant du contre-temps dans la pensée.

La pensée est pour le savant une nourriture sans laquelle il ne peut vivre pendant la veille et dans la solitude; elle peut consister dans la lecture ou la méditation (la réflexion ou la fiction). Mais .s'occuper trop assidûment d'une pensée fixe en mangeant ou en marchant, fatiguer en même temps la tête et l'estomac, ou la tête et les pieds, produit l'hypocondrie dans un cas, et dans l'autre le vertige. Ainsi, pour maîtriser ce sentiment maladif par la diététique, rien n'est plus nécessaire que de remplacer l'occupation mécanique de l'estomac ou des pieds par le travail spirituel de la pensée, d'empêcher celui-ci pendant le temps consacré à la restauration, et de laisser un libre cours au jeu de son imagination comme à une mécanique; d'où il arrive qu'un homme studieux a besoin d'une résolution généralement prise et ferme de la diète dans la pensée. Les sentiments maladifs se présentent lorsque, pendant un repas sans société, l'on s'occupe à lire ou à réfléchir en même temps que l'on mange, parce que les forces vitales se trouvent détournées de l'estomac que l'on accable par le travail de tête. La même chose arrive encore si, pendant une promenade (1), l'on se fatigue par la réflexion en même temps que l'on mar-

(1) Les personnes studieuses se défendent difficilement de se livrer à des réflexions lorsqu'elles font des promenades solitaires. Mais j'ai observé sur moi-même, et j'ai appris d'autres personnes que j'ai questionnées, qu'elles faisaient aussi cette remarque, qu'en marchant, on se fatigue bien plus vite si l'on se livre à des pensées fortes, qu'au contraire l'exercice est restaurant si l'on s'abandonne au libre jeu de son imagination. Cela arrive encore plus facilement si, pendant cet exercice, l'on entretient une conversation soutenue et réfléchie avec quelqu'un; alors on se voit bientôt obligé de continuer le jeu de ses pensées en s'asseyant. La promenade en pleine campagne a précisément pour objet de distraire l'attention, lorsqu'elle est fixée sur un objet unique par la variété des objets qui entourent et des localités.

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