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Page:Kant - Critique de la raison pratique (trad. Picavet).djvu/16

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AVANT-PROPOS DE LA SECONDE ÉDITION


perfection (p. 141)… Le commandement : Aime Dieu par-dessus tout et ton prochain comme toi-même, est un idéal de la sainteté… (p. 148).

Kant, admirateur enthousiaste de la morale de l’Évangile, la préfère même, en piétiste et sans le dire, à la morale luthérienne où Mélanchthon avait logé des éléments péripatéticiens. Les problèmes capitaux qu’il soulève avaient tourmenté les chrétiens ; les concepts qu’il y introduit sont chrétiens ; chrétiennes aussi sont les solutions qu’il adopte et la forme même sous laquelle il les exprime.

C’est de Dieu, de l’âme et de son salut que, dans cette période théologique où se développe le christianisme, l’on se préoccupe avant tout et par-dessus tout. De bonne heure, on s’aperçoit que la question de la liberté est étroitement liée à l’une et à l’autre. De leur mélange naissent les problèmes de la perfection, surtout de la bonté, de la puissance, de la justice de Dieu, de la Providence et de la Prescience, de la Prédestination et de la Grâce, auxquels saint Augustin, en combattant les Manichéens et les Pélagiens, travaille à donner une solution orthodoxe. Reprise par Gottschalk et ses contemporains 1[1], par Luther, par Calvin, par Jansénius, par Bayle, la question est longuement traitée, avec des arguments théologiques et philosophiques, par Leibnilz dans les Essais de Théodicée, qui portent sur la bonté de Dieu, la liberté de l’homme et l’origine du mal. C’est de même sur les trois concepts de la liberté, de Dieu et de l’immortalité que Kant dirige les recherches de la Critique de la Raison pure, comme les solutions de la Critique de la Raison pratique (n. 3, p. 300).

Kant, comme autrefois Descartes 2[2], pose et admet le Dieu du christianisme, en lui-même et dans ses rapports avec les créatures. C’est en lui que nous nous représentons l’idéal de la sainteté en substance (p. 272). Le concept de Dieu appartient originairement, non à la physique ou à la métaphysique, mais à la morale. C’est l’existence du mal qui empêcha les philosophes grecs d’admettre d’abord une cause parfaite, raisonnable et unique. Lorsqu’ils eurent traité philosophiquement les objets moraux, ils trouvèrent, dans le besoin pratique, une détermination pour le concept de l’être premier, que la raison spéculative ne fit qu’embellir et orner (p. 254). 11 a des attributs qu’on trouve en germe dans les créatures, toute puissance, omniscience, omniprésence, toute bonté ; il a trois attributs moraux qui n’appartiennent qu’à lui seul, saint législateur et créateur, bon

  1. 1. Les discussions sur la liberté au temps de Gottschalk, de Raban Maur, d’Hiocmar et de Jean Scut, Paris, A. Picard.
  2. 2. Voir la définition de Dieu dans les Méditations.