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Page:Kant - Critique de la raison pratique (trad. Picavet).djvu/25

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LA PHILOSOPHIE DE KANT EN FRANCE DE 1773 A 1814


Deux mois après la chute de Robespierre, le. 27 septembre 1794, Müller, le professeur dont nous avons déjà parlé, écrit à Grégoire que la philosophie de Kant, encore inconnue en France, mérite d’y être transplantée. Puis, quinze jours plus tard (12 octobre), répondant à Grégoire, qui avait désiré que Blessig ou Müller s’essayassent sur une esquisse de la philosophie critique, ce dernier écrivait qu’il fallait à la France une philosophie spéculative établie sur des bases qui résistent à l’athéisme, au matérialisme, au scepticisme, qui soit capable de détruire le règne du Si/sirme de la nature et de tous ceux qui tendent à avilir la nature humaine. Il insistait, après Reinhold, sur les appuis immuables que le kantisme prête aux dogmes de l’existence et des attributs de Dieu, de l’immortalité de l’àme, et aux vrais fondements de la morale, interprétant ainsi le criticisme tout autrement que Cousin et comme le comprennent à peu près aujourd’hui M. Renouvier et ses disciples. Il se préparait en même temps à entreprendre la tâche que lui avait proposée Grégoire. Müller meurt en février 1795, son ami Blessig apprend, par les papiers publics, que Sieyès veut faire connaître le système de Kant et il écrit à Grégoire, en avril 1796, qu’il craint qu’on ne trouve en Kant, si l’on ne saisit pas bien son raisonnement dans l’ensemble, un patriarche du scepticisme et même de l’athéisme, que, par conséquent, il faudrait à l’ouvrage une introduction bien serrée pour les principes et bien intelligible. Il serait bon, en outre, d’y joindre un précis de l’ouvrage que Kant a donné sur la religion chrétienne 1[1]. Pour en finir avec Blessig, rappelons encore une lettre de 1810, où considérant surtout les écoles de Kant, de Fichte et de Schelling, il voit dans leurs doctrines le panthéisme tout pur, se plaint que les idées qui ont pour objet d’extirper les penchants au lieu de les subordonner à la loi morale, se sont introduites chez les théologiens protestants, dans des universités et monastères catholiques, surtout chez les bénédictins, et se croit obligé de les combattre dans une lettre pastorale dont il envoie un exemplaire à Grégoire.

  1. 1 Ces lettres ont paru dans la Revue philosophique de juillet 1888.