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CRITIQUE DU JUGEMENT ESTHÉTIQUE

compassion pour le malheur d’autrui, et qui n’a pas besoin de consolation, ou quand il s’agit d’un malheur imaginaire, celle où nous nous livrons volontairement à l’illusion de la fantaisie, comme s’il s’agissait de choses réelles, cette douleur indique et rend une âme tendre, mais faible en même temps, qui montre un beau côté et en qui on peut reconnaître de l’imagination, mais non de l’enthousiasme. Des pièces de théâtre romanesques et larmoyantes ; de fades préceptes de morale qui traitent comme un jeu ce qu’on appelle (à tort) les nobles sentiments, mais qui, en réalité, amollissent le cœur, le rendent insensible à la sévère loi du devoir, incapable de tout respect pour la dignité de l’humanité dans notre personne, et pour le droit des hommes (ce qui est tout autre chose que leur bonheur), et, en général, incapable de tout ferme principe ; un discours religieux même, qui nous engage à captiver la faveur divine par des moyens bas et humiliants, et nous fait perdre par là toute confiance en notre propre pouvoir de résister au mal, au lieu de nous inspirer la ferme résolution d’employer, à dompter nos passions, les forces qui nous restent encore, malgré notre fragilité ; une fausse humilité, qui voit dans le mépris de soi-même, dans un repentir bruyant et intéressé, dans une disposition d’esprit toute passive, le seul moyen d’être agréable à l’Être suprême : ce sont là