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Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/260

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que l’entendement lui donne nécessairement pour principe en vertu de sa propre loi, c’est-à-dire la superstition[1] La culture de l’esprit[2] nous délivre de la superstition, comme de tous les préjugés en général ; mais la superstition est le préjugé par excellence (in sensu eminenti), car de l’aveuglement où elle nous jette, et qu’elle nous impose même comme une loi, résulte le besoin d’être guidé par d’autres, par conséquent la passivité de la raison. Quant à la seconde maxime, nous sommes d’ailleurs accoutumés à appeler étroit (borné, le contraire d’étendu) celui dont les talents ne sont pas bons à quelque chose de grand (surtout à quelque chose qui demande une grande force d’application). Mais il n’est pas question ici de la faculté de la connaissance ; il ne s’agit que de la manière de penser ou de faire de la pensée un usage convenable ; c’est par là qu’un homme, si faible que soit la capacité ou le degré auquel s’arrête la nature humaine, fait preuve d’un

  1. Il est aisé de voir que la culture de l’esprit est facile in thesi, mais difficile et longue à obtenir in hypothesi : car de ne pas laisser sa raison dans un état purement passif et de ne recevoir jamais de loi que de soi-même, c’est quelque chose de tout à fait facile pour l’homme qui ne veut pas s’écarter de sa fin essentielle et qui ne désire pas savoir ce qui est au-dessus de son entendement ; mais comme il est difficile de résister à ce désir, et qu’il ne manquera jamais d’hommes qui promettront avec assurance de le satisfaire, la simple négative (à laquelle se borne la véritable culture de l’esprit) doit être très-difficile à conserver ou à établir dans l’esprit (surtout dans l’esprit public).
  2. Aufklärung.