Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/311

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qui représente une apparence sensible liée par le moyen de l’art à des idées, peut être divisée en art de bien peindre la nature, et en art de bien arranger ses productions. Le premier serait la peinture proprement dite ; le second l’art des jardins. En effet, celui-là ne donne que l’apparence de l’étendue corporelle ; et celui-ci, tout en donnant cette étendue dans sa vérité, ne présente qu’une apparence d’utilité, il n’a en réalité d’autre but que de mettre enjeu l’imagination par les formes qu’il donne à contempler.[1] Ce dernier consiste uniquement à orner le sol avec les diverses choses qu’on trouve dans la nature, (comme le gazon, les fleurs, les arbrisseaux et les arbres, et même les eaux, les collines et les vallons) ;

  1. Il paraît étrange de regarder l’art des jardins comme une espèce de peinture, quoiqu’il donne à ses formes une exhibition corporelle ; mais, comme il les tire réellement de la nature (par exemple les arbres, les arbrisseaux, le gazon et les fleurs, qu’il a tirés, au moins primitivement, des forêts et des champs, que, par conséquent, il n’est pas un art comme la plastique, et n’est pas non plus subordonné dans ses arrangements à un concept de l’objet et à une fin déterminée (comme la sculpture), mais qu’il n’a d’autre but que le libre jeu de l’imagination dans l’intuition, il s’accorde ainsi avec la peinture qui n’a pas de thème déterminé rapprochant l’air, la terre et l’eau en les mêlant de lumière et d’ombre. — En général le lecteur ne doit pas regarder ceci comme un travail définitif, mais comme un essai par lequel je tente de rattacher les beaux-arts à un principe qui soit celui de l’expression des idées esthétiques (par analogie avec la parole).